Jardin de Luxembourg, mars 2020
Trobar
: vert
un peu rouillé, sinon derrière les branches, brindilles, vert
sapin, entrelacs des feuilles jaunies, ombrées, pulsées par les
superpositions des verts, et des bruns ; une
forme coupe sur l'autre, alors que le sol donne la perceptive, plan
et profondeur d'emblée ; l'intervalle
éclot parce que je suis là, comme forme d'une forme, tableau et
profondeurs de champ. Transition. Je
me sens plus au sud. Comme
vivre. Et
c'est un temps qui n'est pas dans le temps, je ne sais plus si je
pense, désire ou si je me souviens. Vert,
verdoyer, c'est quand je vois verdoyer... Ça
s’interrompt pare ce que je prends conscience que je trouve ça
beau : vert
nappé, vert étale du sol, des chaises dans la rangée, cette allée
qui se perd dans les feuillages. De
tout cela, se dégage une attente, une compréhension suspendue ou
différée, je me sais vulnérable, j'attends que ça passe, parce
que ça va passer. Le
bus descend lentement. Une
fois sur deux le bus qui va à Bygdoy fait ce
détour ; il
descend en longeant la petite baie, pour s'arrêter au
Musée Kon-Tiki. Je
ne sais plus où j'en suis, la lumière m'apaise ; ce
paisible trajet y est pour beaucoup. La
neige à fondu, les pluies ont cessé. Je ne pense à rien, vert et
terre, bleu et lumières. Vie
nue. Un
fait n'est pas un fait tant qu'il ne vient pas avec ce qu'il n'a pas
été ; de
même que nous sommes fait aussi de ce qui n'a pas eut lieu, ou
n'a pas été ; dans
un sens, parce que nous ne sommes pas, dans un autre parce
que nous pouvons nous donner une forme. Ce
vert n'est déjà plus qu'il fait retour, et courbe l'espace ; vert
vent, branches vertes, le bateau sur la mer et le cheval dans la
montagne. C'est
ce que j'entends d'une voix andalouse. Cadix
et Bygdoy, ils se partagent le même pli. Le
bus s'arrête çà et là, c'est une heure calme, en été à cette
heure-ci le bus serait plein. Je
ne sais pas penser, je ne pourrai pas penser, d'ailleurs, je ne
saurai dire ce que j'entends ni ce que je pense. C'est
là, lors de ces trajets que j'ai appris que ma pensée
est espace ; paysage,
heure dissoute, trajets. Je
me laissais conduire par la préséance des choses vue. Comme
enfant, peut-être un peu perdu, je regarde les choses du
commun. Rien,
c'est sans doute ce rien, un pli parmi les choses, un sens du penser
sans pensée et vert rouillé, vert foncé, vert vent, branches
vertes, le bateau sur la mer et le cheval dans la montagne. J'ai
vu comme peu à peu ces trajets à Bygdøy se peuplaient
d'empâtement, des touches peintes, je savais qu'il y avait du
Rubens, les heures du Louvre, la salle de Médicis, dans ce
paysage. Paysage
de paysage, paysage hors paysage, en réalité couleurs passant d'un
milieu à un autre. La
douleur de penser se fait rattraper par la porosité du coloris, vert
vent, vers branches, vert flamand, vénitien, hollandais. Je
quittais peu à peu la faction du muet. La
destruction n'y était plus, un regain d'espace me donnait un là de
présence, là ici, res. Sinon
que par touches : vert vent,
branches vertes, le bateau sur la mer et le cheval dans la montagne.
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